Toujours pas d'eau depuis mi-juin. Bientôt quatre mois sans pluie, si je me réfère aux prévisions météo de la semaine qui vient.
La vague de perturbations traversant la France et annoncée ce jour pour les Lutins n'a déposé que trois millimètres au matin histoire de mouiller la poussière.
Chaque brin d'herbe qui oserait sortir grâce à la rosée des nuits fraîches à présent est rapidement scalpé.
Mais cela nécessite de se déplacer sans cesse, en quête de cette verdure exceptionnelle et bien maigre.
Petit miracle au milieu du désert.
Un semblant de vie végétale. Un petit miracle en un bijou floral qui va finir sous les molaires d'une chanceuse.
La quête du moindre gland, qui est une rareté cette année, occupe bien sur la journée.
Peu de châtaignes également cette année … et souvent n'ayant pu atteindre maturité.
Ce sont en conséquence près de soixante kilos de céréales qui sont consommés par la troupe, chaque semaine, depuis le début de la complémentation. Il importe que les Ouessant soient en forme pour l'hiver; une centaine de grammes d'orge et d'avoine les aident en cela au quotidien.
Outre les conséquences catastrophiques de cette sécheresse sur la végétation herbacée en premier, le désert en vie animale s'est installé également. Les passereaux sont rares malgré les mouvements automnaux; les merles ont par exemple quitté le secteur depuis belle lurette.
Le mode de vie des taupes impose à ces animaux, en ces circonstances, de errer en surface plus que d'ordinaire, à la recherche d'un endroit où pouvoir creuser et s'alimenter, devenant vulnérables et finissant ainsi sous la dent ou le bec d'un prédateur ou simplement en mourant d'épuisement affamés. Les hérissons sont faméliques et bien d'autres signes des effets de la sécheresse sont décelables dans le milieu environnant dès qu'on lui est un peu attentif.
Image insolite chez les Lutins qui trouvent l'occasion de s'installer, pour la nuit, sur les berges asséchées de la mare la plus proche de leur zone de dortoir nocturne.
Il n'y a plus d'espoir pour que les prairies se reconstituent normalement avant l'hiver, si le froid arrive, d'autant que la durée du jour diminue rapidement.
Je n'ai pas gardé plus de foin que d'ordinaire ce printemps. La situation et le marché étant autour de cette denrée, il me sera impossible d'en trouver si besoin était. Je m'interroge sur ce que seront l'hiver et les réelles difficultés à devoir surmonter pour le troupeau.
Cependant c'est bien pour les professionnels qui vivent de l'élevage que la catastrophe s'annonce. Elle est même déjà présente.
De mon côté, je réfléchis, si besoin était, à l'organisation que j'appliquerais si je devais réduire mon troupeau en me séparant d'animaux. Combien? Qui? céder pour vivre ailleurs et permettre aux Lutins restants d'atteindre le printemps?
Enfin, on verra… mais il est sérieux de songer à cette issue ultime, si elle devait être.