Le Ouessant de forme ancienne a la réputation d'être rustique suite à la vie assez rude à laquelle ce type ovin primitif était soumis autrefois sur son île et qui l'a modelé en ce sens, la sélection naturelle étant alors encore, en grande partie, moteur de l'évolution du cheptel.
Bien qu'il est vrai rustique globalement aujourd'hui encore, le Ouessant continental de ces quarante dernières années souffre cependant de deux maux principaux qu'il est possible de rencontrer chez ses animaux.
Ce sont les soucis récurrents de conjonctivite/kératite et le problème de diarrhées chroniques face aux herbages de printemps ou après pluies.
Il est vrai que la volonté de transformer le type ovin Ouessant de forme ancienne en une race standardisée de cet animal ne fut pas sans conséquences dans l'enracinement des problèmes de santé évoqués ci-dessus.
En effet, une démarche de standardisation de ce mouton, doublée d'une quête de sujets "améliorés" dans un sens de beauté/qualité (tout à fait subjective par ailleurs), a parfois fait oublier l'importance des aptitudes (toutes les aptitudes imaginables,... santé, longévité...) au profit de l'apparence, d'autant plus quand médailles miroitent en carotte pour avancer dans la sélection d'un morphotype idéalisé.
Oh merde! D'abord songer à vermifuger et vérifier qu'aucun choc alimentaire ponctuel (ou excès de compléments)n'est à l'origine du désagrément..
C'est ainsi que régulièrement encore, certains éleveurs ou simples possesseurs de Ouessant, victimes des erreurs du passé (et encore du présent) me contactent en appelant au secours face aux deux soucis classiques que peuvent rencontrer les yeux et le ventre de leurs moutons ...
Ouvrez l'oeil! Mieux vaut soigner de suite un signe de conjonctivite que réagir tardivement et devoir traiter une évolution très rapide vers une kératite handicapante et douloureuse pour l'animal.
L'élevage des Lutins n'a pas échappé à ces problèmes au cours de son histoire, puisque constitué de souches avec origines ayant contribué au renouveau encadré du Ouessant fin des années 70. Problèmes difficiles à résoudre puisque, hormis les cas ponctuels accidentels pouvant toucher tout animal un jour ou l'autre durant sa vie, le ver est dans le fruit et que pour tout souci récurrent, il faut bien considérer fragilité particulière de l'animal touché, caractère inscrit dans l'hérédité.
Durant vingt ans, il m'a fallu considérer l'importance d'écarter de la reproduction les animaux particulièrement touchés, voire envisager malheureusement l'euthanasie pour certains tant c'était bien là la seule aide à pouvoir leur apporter devant leur détresse extrême et face à une médecine vétérinaire dépassée par la problématique bien plus profonde que celle des cas habituels, classiques, ponctuels qu'elle connait. De plus, de tels animaux ne peuvent être cédés à autrui, principe d'honnêteté évident. On ne résout pas un problème en le passant à son voisin et on doit avoir souci de ne pas l'amplifier.
Au mieux, il est possible d'espérer, sans certitude, sur le long terme des générations, qu'en recoupant tout accouplement et toute descendance d'un sujet atteint avec des sujets de lignées en apparence saine, on sorte du souci.
Ainsi les Lutins ne rencontrent plus guère ces soucis, juste rares cas ponctuels non récurrents de temps à autre et tout à fait normaux, accidentels. Mais toute introduction peut bouleverser le patrimoine santé d'un troupeau et contrarier des années d'efforts...
Le fruit sans le ver, le souci premier d'une sélection qui doit privilégier les aptitudes dont la rusticité avant les apparences.
Si donc ventres et yeux laissent tranquilles les Lutins depuis plusieurs années, il me fallut ces derniers temps résoudre des soucis inconnus au troupeau jusque là. Des premières!
Une brebis allaitante se retrouva avoir mal dans les pattes, handicapée dans ses déplacements. Une antenaise fut touchée par des problèmes respiratoires (froid, vent, changements météo extrêmes des semaines passées?). Une brebis allaitante avait la mamelle non tétée par son agneau devenue une baudruche, risquant la mammite... Tout cela dans la même semaine! Une série inhabituelle ...
J'ai pu résoudre ces problèmes, si ce n'est ma laitière que je suis encore contraint de vider d'un demi litre de lait tous les quatre ou cinq jours.
Rustique le Ouessant?
Oui donc, si on exclut les deux faiblesses précitées qui circulent dans ce type ("race") Ouessant de forme ancienne ... ainsi que toute mésaventure ponctuelle toujours possible avec le vivant.
Tout cela pour rappeler que ce mouton a besoin de toute notre attention, la rusticité n'étant pas toujours au rendez-vous... Un animal demeure du vivant dont le présent comme l'avenir dépend de nos agissements.