Tout le désespoir de Quenouille dans ses vociférations.
Alors que certaines brebis ayant perdu leur agneau à la naissance ne manifestent que peu ou pas de désespoir lorsqu'elles n'ont pas eu le temps de le voir, ni le sentir ni le lècher, il n'en fut de même pour elle qui durant deux jours bêla et appela, ne s'éloignant que peu du lieu du drame.
Fin de gestation qui s'est mal terminée. Depuis une paire de jours j'avais remarqué que l'évènement se préparait. Pourtant, finalement peu de contractions, et de plus, faibles et de courte durée. Durant la nuit toujours rien. Je devinai un gros problème. De mes doigts, je perçus que si les antérieurs du jeune se présentaientt bien, la tête était basculée en arrière interdisant toute expulsion. De plus l'agneau était mort, ayant trop souffert depuis sans doute longtemps. Ne pouvant introduire la main pour mettre le corps dans une meilleure position, il me fallut une bonne heure de manipulations pour réussir à sortir le petit cadavre.
Pour revenir à la voix du coeur, Quenouille est donc restée ainsi durant 48h à pleurer son jeune, à dix mètres du lieu inaccessible où je l'ai délivrée de son problème . Je ne lui avais évidemment pas présenté l'agneau. De plus je ne l'avais amenée à cet endroit qu'en toute dernière minute. Mais le souvenir du lieu, mêlé aux odeurs de liquide amniotique tombé au sol que le vent devait apporter à ses naseaux, était trop puissant pour qu'elle daigne s'éloigner.