Pratiquée de façon presque exclusive par les uns, rejetée totalement par les autres, une fois de plus la vérité ou du moins la raison se situe sans doute dans
un juste milieu.
Certains ne voudraient pour rien au monde casser ce qu'ils ont construit dans leur troupeau, en introduisant de nouveaux animaux.
D'autres sont dans l'angoisse s'ils n'ont pas pu ,une année, introduire un ou des nouveaux béliers.
Déjà au départ, le mouton d'Ouessant constitue un cheptel assez consanguin.
D'abord, on peut le supposer, lorsqu'il n'évoluait que sur l'île en question, formant ainsi un isolat géographique. Heureusement, constitué de plusieurs milliers de têtes et (au
dire) au moins deux troupeaux se cantonnant libres dans différents secteurs de l'île, un brassage important dans cette population avait lieu tout en conservant certaines caractèristiques
particulières à ce type de mouton. De plus, au fil du temps, d'inévitables introductions d'animaux du continent ou encore, on peut le supposer, apportés par des navigateurs de passage
donnaient un peu de "sang neuf".
Ensuite, issus de cette population originelle, avant que le Ouessant ne renaisse de ses cendres, les petits troupeaux apportés sur le
continent ont ,pour certains, sans doute évolué avec une importante consanguinité bien que des échanges entre troupeaux soient connus ( par contre la "pollution" par d'autres races
s'avère bien plus possible en toute logique, une fois dans l'hexagone).
Puis, lorsque M. Abbé et ses amis se penchent dans les années 70 sur le sort de ce type de mouton qui risque de finir par disparaître, d'après les éléments du GEMO, le nombre
d'animaux n'est que de quelques centaines .
Les quelques animaux (combien? il serait intéressant de le savoir) qui sont de là utilisés pour relancer l'existence de ce petit mouton d'Ouessant ne doivent pas représenter une énorme
diversité génétique à eux seuls. Je laisse soin aux pionniers de cette sauvegarde de nous en apprendre plus, un jour, sur ces détails importants.
Enfin, à l'heure actuelle, pour ce qui est des éleveurs les plus pointus et les plus soucieux de la race, les échanges se font toujours un peu entre les mêmes personnes et de toute façon avec la
même "matière base" initiale.
La population mouton d'Ouessant type ancien est donc fortement consanguine.
Ce serait presque totalement vrai si en une trentaine d'années, de par son succès, son essaimage ainsi que la gigantesque augmentation de son cheptel, l'animal n'avait pas hérité, ici et là,
chez des particuliers peu soucieux, d'apports de "sang neuf" par des croisements volontaires ou non avec d'autres races, en France comme à l'étranger.
L'histoire ne ferait-elle pas que se répéter?
N'est-ce pas trop souvent un gigantesque danger?
N'est-ce pas parfois, à petite dose, une retrempe bienvenue?
Cela amène bien d'autres questions qu'il est important de se poser. Si je n'ai pas de réponses, j'ai des avis, mais ce n'est plus le sujet de départ et revenons à celui de cette
consanguinité.
La consanguinité non réfléchie et pratiquée sur une trop longue période est un danger de par le risque de concentrer et faire apparaître des tares éventuelles.
Sa pratique à court terme est parfois par contre indispensable pour fixer certains caractères. Les races n'existent que parce qu'il y a eu à un certain moment donné de la consanguinité qui mène à
de l'uniformité. Ce n'est donc pas un peu de consanguinité qui est un problème mais trop et trop longtemps. Tout dépend ensuite du degré de parenté entre les individus dans cette
pratique.
Introduire de nouveaux animaux est donc indispensable à un certain moment. Chaque année n'est pas une obligation incontournable si de plus on pratrique une reproduction calculée avec
connaissance du pedigree de chacun de ses moutons, pouvant ainsi programmer les accouplements.
Enfin le fameux "sang neuf" du nouvel individu peut être une catastrophe en soi car si on n'a pas cherché à introduire ce qu'il y a de mieux pour son troupeau, on risque d'introduire tout
autant des tares tout en ayant augmenté la diversité génétique.
Les choses ne sont donc pas si simples. Le tout est de savoir ce que l'on fait. L'exemple du troupeau de Mérinos de Rambouillet élevé en consanguinité calculée dès le début de sa constitution est
un bon exemple.
En ce qui me concerne, je me suis attaché à construire mon troupeau sur différentes souches Ouessant aussi bien en brebis que béliers. Ce qui permet aux Lutins du M. de fonctionner sur
plusieurs années sans trop de consanguinité, puis de calculer systématiquement celle-ci et enfin d'introduire régulièrement de nouveaux moutons sans trop casser mon travail.
Dernier bélier reproducteur introduit chez les Lutins, Elaphe, bien que né en France, est issu de parents hollandais produits dans divers élevages célèbres de ce pays. Un "sang neuf"
indéniable pour mon troupeau afin d'apporter encore plus de diversité génétique, tout en essayant de récupérer ses qualités et tout en espèrant éliminer par la patience de la sélection
sur le long terme les quelques défauts que je peux craindre qu'il introduise...
Consulter également Consanguinité encore.