Il existe une multitude de souches de Mouton d'Ouessant de type ancien.
Elles étaient déjà diverses il y a un peu plus de 40 ans, lors de la recherche partielle par le GEMO des troupeaux continentaux existant encore alors (puisque ce type ovin avait disparu de son île originelle).
Elles le sont bien plus encore aujourd'hui avec la multiplication des élevages tout comme des associations d'amateurs, en France et aussi à l'étranger.
Souche de "château" , bélier blanc descendant en ligne directe des animaux continentaux du 20ème siècle de certains châtelains en France.
Ces diverses souches ont leurs raisons d'être, sont le fruit de leur histoire basée sur celle de leurs ancêtres, selon ce que leurs éleveurs en faisaient avec ou sans connaissances particulières, avec ou sans but réel forcément clairement déterminé.
Souche GEMO, bélier noir fruit de sélection à partir des troupeaux des années 1970 (ici souche Lutins de ces 20 dernières années)
Ainsi aujourd'hui, certains éleveurs dont je suis, font le choix de travailler plus l'une que l'autre, les unes que les autres souches Ouessant, parfois simplement par goût voire principe, ou encore comme dans mon cas sur la base de connaissances acquises et d'une large réflexion.
Brebis brune belge, de souche des Pays Bas de ces dernières décennies.
De là chez les Lutins, déjà, les souches sont nombreuses par souci de conservation et de dynamique de ce domestique et sont amenées à s'enrichir les unes des autres, même si certaines qui me sont chères sont davantage privilégiées dans le sens de leur sauvegarde.
Bélier noir de 1ère génération issu d'un croisement "souche de château" avec "souche Gemo"
Face à une souche que l'éleveur jugerait indésirable en son troupeau, il a la possibilité déjà de ne pas l'introduire bien évidemment, ou si elle s'y trouve déjà, de l'écarter en la sortant ou simplement en ne la faisant pas/plus se reproduire, ou bien, si elle se trouve déjà introduite dans le patrimoine de certains de ses moutons, en l'éliminant par le phénomène d'absorption, sous condition de pratiquer la chose de manière méthodique.
Brebis noire: 50% Lutins / 50% élevage extérieur.
La méthode d'absorption la plus sûre parce que organisée et mesurable, consiste à accoupler de façon calculée tout animal possédant partie de la souche non désirée avec un animal lui d'une souche souhaitée.... et ainsi de suite pour tout jeune obtenu en nouvelle génération qui devra être accouplé à son tour avec partenaire en souche souhaitée.
Brebis brune: composante du patrimoine génétique en 99,...% souche GEMO / 0,...% souche Pays Bas.
Dans le tableau ci-dessous, chez le jeune animal obtenu à chaque nouvel accouplement, on pourra déterminer la part en sa composante génétique souhaitée et celle en patrimoine génétique non souhaité, selon la génération considérée dans un programme d'absorption.
Part souche désirable | Part souche non désirable | Génération obtenue |
1/2 (50 %) | 1/2 (50%) | 1ère (dite F1) |
3/4 (75 %) | 1/4 (25%) | 2ème |
7/8 (87,5 %) | 1/8 (12,5 %) | 3ème |
15/16 (93,75 %) | 1/16 (6,25 %) | 4ème |
31/32 (96,875 %) | 1/32 (3,125%) | 5ème |
63/64 (98,438 %) | 1/64 (1,362 %) | 6ème |
127/128 (99,219 %) | 1/128 (0,781 %) | 7ème |
255/256 (99,61 %) | 1/256 (0,390 %) | 8ème |
511/512 (99,80 %) | 1/512 (0,200 %) | 9ème |
1023/1024 (99,90 % | 1/1024 ( 0,100 %) | 10ème |
etc ... | etc ... | etc... |
On notera que la progression, en terme "d'amélioration" du patrimoine à chaque nouvelle génération, est assez rapide les premières années, pour ensuite progresser plus lentement à dose homéopathique. C'est mathématique.
Agnelle blanche: construite en 3/4 souche Lutins et 1/4 souche extérieure de "château"
Ainsi, en ce qui concerne les croisements de diverses races domestiques (pas seulement moutons, mais aussi les autres espèces), le degré d'exigence des éleveurs est variable, certaines associations considérant qu'en 5ème génération l'animal peut être considéré revenu en "race souhaitée" (ou souche souhaitée dans notre cas) (il est vrai à presque 97 %), pour d'autres en 7ème génération ( car à 99 %), ou enfin si on est plus rigoureux et exigeant en 10ème (99,9 %).
(Pour nous, il est hors de question de pratiquer des croisements du Ouessantin avec d'autres races ovines, mais de considérer les souches existantes et de mesurer l'impact de ces croisements de souches (en effet le terme de croisement qui peut faire frémir, s'emploie tout autant pour des races, des souches que voire des lignées d'une espèce domestique).)
Brebis noire Agouti grey: 31/32 souche Gemo / 1/32 souche néerlandaise
Personnellement je suis plus pour considérer le plus haut degré d'absorption comme le plus juste, les mathématiques étant là pour parler, mais il est vrai que dès 99 %, 7ème génération, je comprends qu'on puisse considérer satisfaction .
Et puis il faut bien garder à l'esprit que par la suite, seuls des animaux définis à 99,9 % qu'il faudrait accoupler entre eux sont à même de produire des jeunes à leur tour sur cette même base sans risquer de régresser à nouveau dans le degré d'absorption.
Concernant mes animaux, je calcule ainsi en mes moutons la part des souches qui présentent moins d'intérêt pour moi (elles sont trois ou quatre), selon ce que sont mes objectifs.Je souhaite réduire voire éliminer certains caractères défavorables, tout en en conservant d'autres prioritaires, dans l'intérêt d'une sauvegarde organisée du Ouessantin. En effet, chaque souche présente ses points forts mais également ses points faibles, dès qu' on les regarde avec un souci de sélection (qui va bien au-delà du simple aspect séduction).
Ainsi, pour une souche en particulier, je recherche une absorption "totale", alors que pour les autres seulement partielle à degrés divers selon les apports positifs observés et la disparition remarquée de points négatifs (aptitudes, phénotype, ...)
Bélier noir: 1/2 souche Gemo / 1/2 souche allemande, elle-même en fait de souche hollandaise)
Voilà des considérations que je n'échange pratiquement pas d'ordinaire, les préoccupations des éleveurs ne s'engageant que rarement en ces domaines.
Ceci n'est qu'une approche qui révèle un peu plus du travail au sein du troupeau des Lutins, mais comme j'ai eu quelques questionnements de visiteurs suite à l'article récent sur mes lots de lutte d'automne, il me fallait en dire un peu plus.
Un peu plus seulement car il y aurait beaucoup à expliquer encore, les directions de travail et les principes s'avérant plus complexes en certains objectifs.
Alors!
Dans ce jeune Ouessant noir "faded": présence ou pas d'un autre type ovin? quelles souches en cet agneau? en quelles proportions?
Seul l'éleveur (que je suis) peut le dire parce que cet animal possède une généalogie longue connue, construite sur des ascendants eux-mêmes suivis depuis 40 ans.
D'où l'intérêt d'éviter l'utilisation d'animaux sans origines dès que l'on veut prétendre mener l'élevage du Ouessantin dans le sens du souci de conservation, afin de toujours savoir où on en est face à un animal et en voir la réalité cachée au-delà de son simple phénotype.
(Je rassure la personne qui reconnaîtrait cet animal des Lutins qu'elle a acquis. Ce bélier n'est là qu'à titre d'exemple pour illustrer le discours.
Pas de panique, il n'y a pas de croisement entre races ovines chez les Lutins. Cet agneau est bien un Ouessant. Il l'est même plus encore que beaucoup d'autres par ailleurs sous d'autres cieux, de par les soucis de conservation, de suivis et autres paramètres pris en compte au sein de l'élevage et en particulier dans le calcul des accouplements menés avec des animaux avec origines sur 40 ans)