Tout d'abord, je voulais préciser que l'ensemble des photos de cet article sont de Fabrice Frobénius.
Je voulais remercier une fois encore Fabrice pour le prêt de ses clichés.
Ci-dessous un lien pour admirer l'ensemble de ses galeries sur le vivant qui nous entoure. Qualité d'image, esthétisme, belles rencontres, de superbes témoignages de la beauté des espèces. Une belle démarche ...
Nul besoin d'être un fin observateur de l'avifaune pour avoir déjà remarqué à quel point les individus des quelques espèces qui se sont installées en milieu urbanisé sont bien moins farouches que leurs frères et soeurs des campagnes, à l'exemple du merle noir ou encore du pigeon ramier entre autres.
Il y a deux raisons essentielles à cela.
D'abord ces oiseaux ont appris à mesurer le degré de dangerosité des humains selon les lieux et les situations. Ils nous observent et analysent nos comportements et intentions bien plus que nous ne leur prêtons attention, composant en conséquence avec notre omniprésence.
Ensuite, aussi étonnant que cela puisse paraître, ils trouvent sur nos bâtiments, dans nos parcs et jardins, une quiétude plus grande face aux humains qu'en certaines zones rurales (malgré nos matous ou encore le malade à la carabine qui peut toujours malheureusement exister en ville).
Le nouveau domaine des Lutins, implanté à présent depuis onze ans en pleine campagne, offre sur quelques hectares un havre de paix pour la faune qui ne subit sur cet espace aucune agression humaine.
Naturaliste dans l'âme, dans les motivations et les faits depuis ma naissance, au fil des ans, depuis mon installation, j'ai pu être attentif et noter ainsi l'évolution de la faune autour des Lutins et de ses comportements. A l'image de ce qui se passe en parc urbain mais de façon moindre, je constate, chez moi, les changements dans le comportement de certains oiseaux en l'absence de malveillance à leur encontre.
La corneille noire, un oiseau particulièrement intéressant. Chez les Lutins, pour son nid, elle ramasse actuellement de la laine des Ouessant, n'hésitant pas à choper quelques mèches sur leur dos si besoin est.
Parmi la faune, ce sont les oiseaux que nous remarquons le plus de par leurs moeurs, pour la plupart, diurnes comme nous.
Et bien évidemment, les plus gros passent moins inaperçus.
Une paire de couples de corneilles se partage le domaine des Lutins. Le couple le plus proche a appris à me tolérer, acceptant à présent ma présence jusqu'à une vingtaine de mètres... à moins que ce ne soient ces corneilles qui n'hésitent plus à se rapprocher également un peu plus de moi... Cette situation est nouvelle pour le lieu, l'effet du partage de territoires en bonne intelligence qui aura mis tout de même pas mal d'années à se dessiner.
Comme tous les corvidés, ces oiseaux sont de véritables "cerveaux sur pattes". Ces corneilles ont bien appris à me reconnaître quelle que soit ma façon de me vêtir ou me couvrir la tête. Elles nichent chaque année dans l'un ou l'autre des grands arbres, mais malheureusement leur taux de réussite de reproduction est très faible, pour des raisons tout à fait naturelles (chutes de nid sous le vent, chutes de jeunes, compétitions interspécifiques...). Dommage car cela m'aurait intéressé d'analyser le phénomène de transmission culturelle aux jeunes concernant la tolérance à mon égard. Peut-être pour cette année?
Cependant, à longueur d'année je croise les doigts, car tout peut être anéanti. En effet, ici comme partout ailleurs, l'intelligence humaine n'est pas ce que l'on rencontre le plus et passées les frontières des Lutins, la vie de tout corvidé devient particulièrement dangereuse, le risque des plombs étant bien supérieur aux serres de l'autour ( ce qui dans ce dernier cas, la prédation, serait tout à fait acceptable car normal, naturel et dans l'ordre des choses).
Le geai, un magnifique clown des arbres.
Le geai a réduit également sa distance de fuite sur le domaine des Lutins, n'alarmant pas ici contrairement à son attitude ailleurs. Visuellement plus discret que d'autres corvidés car passant beaucoup de temps dans les arbres, le geai se fait surtout remarquer par ses imitations qui pourraient tromper bien des oreilles, allant des cris de la buse variable ou du héron cendré à ceux du vol de grues cendrées. Un phénomène! (tu parles d'un geai!) Actuellement il se montre avec ses congénères dans de joyeuses farandoles mélodieuses pouvant réunir une douzaine d'oiseaux, prémices des parades nuptiales.
Dans l'intimité d'un couple de pies.
Bavarde oui, voleuse non, la pie semble toujours tirée à quatre épingles dans son bel habit noir et blanc (pie). Les quelques oiseaux qui fréquentent le domaine des Lutins demeurent très craintifs. On le serait pour moins. En effet, ...
Cette espèce a pour habitude, le soir venu, de rejoindre un point dortoir où se réunissent toutes les pies d'un même canton (de vie et non administratif), le lieu s'inscrivant au fil des générations dans la culture de la population locale de cet oiseau comme gîte nocturne incontournable. Le dortoir est un système de sécurité basé sur le principe qu'à beaucoup il y a toujours un oeil ou une oreille pour détecter un danger durant la nuit et alerter. Sur la commune, bien que pas le plus important rencontré dans ma vie, je connaissais un joli dortoir de cette espèce depuis dix huit ans, mais sans aucun doute bien plus ancien encore. Connaissais, car malheureusement depuis deux ans, sans changement aucun sur le site en question, le dortoir fut réduit à une poignée d'oiseaux, divisé par dix!!!
Nul besoin de supposer sélection naturelle, les prédateurs de la pie ne pouvant réduire du jour au lendemain la population de cette proie en telle proportion.
Il faut bien plus imaginer le triste résultat d'une campagne de destruction de cette espèce par quelques haineux, sur ses divers lieux de gagnage.
Je comprends donc bien "mes" pies qui continuent de me percevoir comme un danger, ces survivantes demeurant convaincues, à juste titre, que derrière tout humain peut se cacher personne peu fréquentable.
Ce triste exemple montre bien pourquoi la faune des campagnes demeure viscéralement farouche et distante face aux humains.
Deux autres anecdotes pour alimenter ce sujet.
Artistique querelle de choucas.
Sur la région, les choucas se rencontrent sur les bourgs déjà conséquents. Dans mon coin, ce petit corvidé ne fait que passer, créant chaque fois mon enchantement. Une jolie petite cheminée peut accueillir leur nid chez moi... Si des choucas me lisent qu'ils se le disent...!
En hiver, l'hexagone accueille une partie des oiseaux de cette espèce venant d'Europe du nord et de l'est. Ainsi l'an passé, une peupleraie voisine s'est vue choisie comme dortoir par quelques dizaines de choucas en hivernage près des Lutins. Chaque soir, entre chien et loup, c'était fascinant d'observer ces oiseaux accompagnés de quelques corneilles, venir chuter dans les cimes après maintes hésitations sur le principe du ni vu ni connu. Mais cela ne dura que quelques semaines...
...jusqu'au coup de fusil, un soir au crépuscule, administré au dernier faisan mâle du quartier qui poussa ses derniers cris, juste la veille de la fermeture du tir de cette espèce. Ce tir administré à un des survivants des cocottes d'élevage ahuries lachées régulièrement pour satisfaire l'amusement de certains (sans autre commentaire...) ne fut pas sans autre conséquence...
Bref, le lieu devenu jugé dangereux, fut abandonné par la bande de choucas.
Corbeau freux (adulte, deux ans et plus, d'après l'absence de plumes à la base du bec de ce fouisseur).
Préférant les plaines, le corbeau freux est plutôt rare sur les hauteurs du Limousin. Notre pays accueille en hiver les migrateurs hivernants venus du nord et de l'est voire de Russie. Pour la seconde fois seulement, un petit hivernage se dessina cet hiver sur les prairies voisines des Lutins. Ils étaient environ quatre vingts, durant plusieurs semaines, à revenir chaque jour sur ces mêmes prairies, allant dormir au soir je ne sais où. Un réel plaisir de les voir et de les entendre chaque jour, d'autant que j'ai un lien particulier avec cette espèce que j'ai beaucoup étudiée, dénombrée, sur ma région d'origine, ayant même élevé dans ma jeunesse un freux, apprivoisé au point qu'il me considérait comme sa femelle et volait à mes côtés où que j'aille (Mais cet oiseau ami finit comme je l'imaginais... flingué par un valeureux chasseur ...).
Bref ce petit hivernage sur la commune était invisible pour d'autres yeux que les miens et ne pouvait d'autre part intéresser personne d'autre que moi...
Ce stationnement prit fin un dimanche avec l'arrivée d'une bande d'énergumènes vociférants, excités, puis les hurlements des chiens, la pétarade et l'écho de colline en colline.... la mort du renard qui égayait mes prairies et faisait son travail auprès des taupes et campagnols qu'elles accueillent, et qui maintenant font la fête.
Insécurité une fois encore, c'est ce que les freux migrateurs ont compris, désertant dès lors les lieux pour d'autres vagabondages.
Ces divers exemples montrent bien à quel point il est aisé de comprendre que certaines espèces se sentent bien plus dans une relative sécurité en milieu urbanisé comparativement à la campagne.
C'est pourquoi la proximité qui s'installe avec un couple de corneilles chez les Lutins n'est pas aussi anodine qu'il n'y paraît dans l'histoire du quartier, le "Autour des Lutins" de cette catégorie d'articles n'étant un paradis que si on ne s'éloigne pas trop du "autour".
J'ai choisi les espèces présentées ici, facilement observables, pour bien faire comprendre que c'est dans les villes et parcs urbains, zones de "paix" que l'on a le plus de chance de pouvoir les côtoyer au plus près et non à la campagne, aussi étrange que cela puisse paraître, la campagne n'étant pas forcément le havre de "paix" fantasmé.
Le bonheur est dans le pré... mais pas n'importe quel pré!
Deux liens ci-dessous, pour les curieux de nature et les personnes soucieuses de réparer les malheurs dont sont trop souvent victimes les oiseaux de la famille des corvidés.