La nouvelle du jour...
Princesse, née dans l'après-midi.
Cette agnelle est le fruit d'une passion tardive et féconde entre une Ouessantine "de château" et un Ouessantin "de château", c'est à dire des animaux de souches très anciennes, dans la forme où elles furent retrouvées il y a cinquante ans sur les parcs de certains châtelains, représentant alors sur le continent les derniers descendants de la population dite du Mouton d'Ouessant disparue de son île au début du 20ème siècle.
Princesse est une agnelle "blanche", plus exactement, d'un point de vue génétique et si on souhaite s'exprimer correctement, de coloration Agouti blanc bronzé (Agouti white tan).
En effet, peu d'éleveurs de moutons sont conscients que leurs moutons blancs sont en fait des animaux de pigmentation totale phéomélanique (coloration roussâtre), le plus souvent totalement décolorée avant la naissance même ou comme dans le cas de Princesse, qui se décolorera presque totalement en cours de croissance.
Tartine, la mère, est une vieille brebis de dix ans et demi, mise à la retraite depuis plusieurs années.
Il y a plus de vingt ans déjà, chez les Lutins, avait eu lieu une naissance en octobre, mais pas aussi tardive, issue d'une vieille brebis elle-aussi, considérée stérile depuis longtemps.
Naissance un 23 octobre chez les Lutins est un record en rapport aux naissances normales habituelles de printemps.
Le troupeau des brebis n'avait rien remarqué jusqu'à ce que je fasse moi-même cette découverte. Ce qui alerta les dames.
Inutile de dire que l'information se propagea rapidement sur les prés, bien plus vite que sur les réseaux sociaux.
Chacune, parmi les brebis, y allant de son commentaire, en chuchotant ou même bêlant un peu haut pour que la malheureuse mère entende...
"Si c'est pas une honte, à son âge!"
"Mieux vaut pour elle que pour moi!"
"Quelle idée en cette saison!"
"Pauvre agnelle, une grand-mère pour mère!"
"Même dans "la haute" on ne sait pas se retenir!"
...
Et bien d'autres que je ne peux m'autoriser à rapporter ici...
Il faut le voir pour le croire. Interloquée!
Vraiment incroyable. Choquée!
Si on n'en parlera pas au journal de vingt heures ce soir, assurément le sujet sera à la une bien longtemps encore sur les prés et de mémoire de Ouessant on se racontera sans doute l'anecdote dans bien des générations encore chez les Lutins.
Déjà demain au parloir, à travers le grillage, ces dames vont s'empresser de tout raconter à ces messieurs réunis dans leur parc d'hiver et… en dernier probablement, au principal intéressé.
Epilogue:
La surprise n'était en fait pas totale pour moi. En effet depuis deux semaines, j'étais étonné de voir Tartine avec de la mamelle. Je soupçonnais bien le futur événement mais hier encore je m'y attendais pour novembre, ne décelant pas un ventre si rebondi que cela.
Ma surprise fut par contre de pouvoir identifier le père parmi la troupe de béliers chez les Lutins. La coloration de Princesse, sa taille, son allure… c'est bien là une version féminine de Sieur Hubot, seul "coupable" logique parmi les mâles blancs présents avec les brebis fin mai dernier.
Je ne me fais aucun souci pour cette naissance tardive d'automne, la météo ne pouvant guère être pire que ce qu'elle fut ce printemps dernier jusque début mai.
Princesse est lourde et solide. En bon Ouessantin nouveau né, avec l'aide de sa mère, elle est apte à vivre, puis grandir et se construire d'ici l'hiver.