Dans deux mois, chez les Lutins, devraient naître les premiers agneaux.
La vingtième saison d'agnelage! J'en rêverais bien encore vingt supplémentaires et pourquoi pas au-delà...!
Chez les Lutins, une naissance à douze niveaux d'origines reconnues, alors qu'actuellement plus de 99% des dits Ouessant rencontrés par ailleurs sont sans origines ou avec origines insuffisantes ...
On n'a pas tous les jours 20 ans. Cela commence à représenter.
C'est ce que révèlent les souvenirs simplement cérébraux ou sous forme d'image papier et numérique, ou encore ceux de deux décennies de notes et fiches diverses.
C'est également ce que révèlent les pedigrees tenus minutieusement depuis vingt ans.
Chez les Lutins, rechercher, étudier, comprendre, sauvegarder ... (en photo, un bélier noir décoloré tondu)
Ainsi, alors que la tempête de neige m'oblige à quitter le troupeau et me plonger autrement dans l'univers Lutins, en consultant ces pedigrees, je réalise, une fois de plus, toute l'importance de deux décennies de suivis en une démarche d'élevage réfléchie et calculée pour un réel travail de sauvegarde.
Un travail précieux, parfois unique sous certains angles, le souci de suivi et d'origine n'étant que rarement priorité chez les possesseurs de moutons d'Ouessant, quand je mis les onglons dans cette sphère... et aujourd'hui encore. Le plus souvent les animaux rencontrés se retrouvaient sans origines, ou alors fragmentaires avec seulement les parents connus, ou encore avec généalogie femelles uniquement. Heureusement, une paire d'éleveurs méticuleux étaient attentifs à leur cheptel et leurs naissances, et c'est ainsi que je peux remonter assez loin en certaines souches initiales de mon troupeau.
Selon les branches et rameaux de leur pedigree, les agneaux qui vont naître ce printemps, résulteront d'ancêtres connus sur plus de douze niveaux d'ascendance. Ce qui correspond pour ces ancêtres les plus lointains, à des animaux des années 80.
En effet, il est naïf de penser que, par exemple, cinq générations correspondraient aux animaux des cinq dernières années.
La chose serait vraie, si tous les Ouessant se retrouvaient mère ou père à l'âge d'un an... et seulement à un an.
Or, quand tout va bien, un Ouessant reproduit encore à huit ans, par exemple. Dans ce cas, au niveau deux (celui des grands parents) du pedigree, on peut rencontrer un ancêtre né il y a seize ans. Donc à des niveaux plus élevés, on peut imaginer ...
Chez les Lutins, souci de la structure...tout en ne cherchant surtout pas homogénéité d'allure...(en photo une brebis noire à forte canitie)
Toujours est-il que m'est cher cet attachement à élever et produire des Ouessant issus et construits au travers de la composante des troupeaux initiaux de la relance de ce type ovin dans les années 80. Pouvant ainsi, pour chaque animal, considérer son intégrité génétique ou pas en cette référence, refusant d'introduire en ma troupe des animaux "tout venant" (sans origines lointaines connues et reconnues), aussi séduisants soient-ils, au risque de pollution génétique se révélant parfois à l'occasion en générations suivantes, mais le plus souvent demeurant malheureusement invisible, l'immensité des composantes d'un patrimoine génétique ne concernant pas uniquement les apparences, loin de là.
S'il est illusoire de prétendre conserver l'intégralité du patrimoine génétique du Ouessant de type ancien insulaire qui lui est de toute façon disparu, il m'est important de conserver l'intégrité du patrimoine génétique des troupeaux continentaux de ce type ovin, retrouvés un petit siècle plus tard après sa disparition.
Certes, ce patrimoine ne représente qu'un pourcentage indéfini de ce à quoi il était arrivé au cours du 19ème siècle sur Ouessant (juste avant la disparition progressive du type ovin d'alors), mais ce qu'il en reste est d'autant plus précieux pour se faire un devoir de le conserver.
Chez les Lutins, égalité de traitement face à la diversité officielle...(en photo, une brebis noire agouti grey)
Ce courant de pensée, de réflexion et d'action que j'impulse depuis ces vingt ans, commence à porter ses fruits et quelques trop rares éleveurs ont commencé à m'emboîter le pas dans le sens de la conservation, le milieu associatif semblant même se réveiller tout doucement, après l'avoir sensibilisé, instruit et parfois bousculé un peu, il faut bien l'avouer... Mais faire aujourd'hui ce qui aurait dû être fait il y a et pendant quarante ans (immense gâchis!) est-ce vraiment possible? Comment ne pas tomber dans le sectarisme en laissant de côté certains élevages et moutons sans doute précieux, et inversement, comment ne pas commettre erreurs irréparables (comme je l'ai déjà observé maintes fois) en récoltant et injectant fruits vereux dans l'aventure, problème délicat à présent qu'ils sont des dizaines de milliers d'animaux, alors qu'ils n'étaient que seulement quelques centaines au départ de cette résurrection il y a quarante ans?
Personnellement, malgré ma passion et mes compétences, je suis incapable (mais surtout je ne me le permettrais pas par honnêteté intellectuelle) de décréter, devant tel ou tel animal, qu'il est véritablement Ouessant ou ne l'est pas et y agrafer label en ce sens, sur sa simple apparence (sauf cas précis), car j'insiste, on est véritablement Ouessant par son "contenant", mais bien plus encore par son "contenu"qui là demeure forcément presque toujours inconnu dans sa totalité, la partie invisible de l'iceberg... L'habit ne faisant pas le moine!
Il faut parfois du temps pour que l'esprit du détenteur de Ouessant finisse par réaliser les pouvoirs de destruction ou au contraire de conservation vers lesquels ses méthodes et directions d'élevage peuvent conduire.
Chez les Lutins, éveiller à la réalité génétique et sa sauvegarde...(en photo, une agnelle agouti blanc bronzé)
Chez les Lutins, vingt ans de conservation, de réparation des erreurs observées dans l'aventure de l'animal, mais aussi de quête pour la réalité encore bien fragmentaire du Ouessant de type ancien, cela se fêtera inévitablement le moment venu...."double ration pour tout le monde! c'est moi qui paie"..." et pour le berger ... (chuuut!)....!!"...
Etre Lutin en 2016 est bien devenu de fait un label de conservation face à toutes les incertitudes auxquelles se heurte généralement à présent l'ensemble de la population Ouessant continentale française et étrangère.