
Photo accompagant un article de Georges Toudouze, écrit dans le numéro 620 de la Revue Mame du 19 août 1906 (communiqué par Diane Falck) .
Voici ce qu'écrit l'auteur: PETITS MOUTONS D'OUESSANT
"Y a-t-il là une bizarrerie de la nature? Cette anomalie est-elle due à un concours de conditions climatologiques spéciales? Je laisse cette question à élucider aux zoologistes, et je me borne
à constater. Ouessant, l'île tragique qui termine l'Armorique, à l'ouest, celle que les Bretons appellent, d'un terme énergique, l'île de l'Epouvante, et à laquelle ils appliquent ce proverbe d'une
terrifiante justesse: Qui voit Ouessant, voit son sang, Ouessant nourrit une race spéciale de moutons nains, de minuscules petits moutons noirs qui ne grandissent pas, et , parvenus à l'âge adulte,
gardent les mêmes proportions minuscules.
Véritables joyaux d'étagère, ils paissent les maigres landes d'Ouessant toutes parfumées de bruyères, toutes humides d'embruns; et le goût particulièrement savoureux de leurs côtelettes les désigne
de manière trop décisive aux gourmets de la grande terre. Aussi bien leur prix, aussi modique que leurs dimensions, les met-il, ces pauvres moutons noirs, à la portée de toutes les bourses; car,
tout vivants, ils se vendent là-bas, dans l'île sauvage, cinq francs pièce!
Hélas! la civilisation les atteint, eux aussi, sous la forme du couteau de boucher, et l'espèce tend à diminuer; elle disparaîtra, la race des petits moutons d'Ouessant, comme disparaissent les
coiffes, les brayou-braz, les pen-baz, les tabliers brodés légendaires de l'Armor; et c'est pourquoi j'ai cru amusant de présenter aux lecteurs de la Revue Mame ce bélier et cette brebis
parfaitement adultes et parvenus à leur plein développement, avec lesquels on peut faire des haltères et des exercices de force le plus aisément du monde, sans craindre de se fatiguer!
Quelques commentaires:
L'auteur a-t-il vu de ses yeux les deux moutons de la photo. Si non, cela peut être une brebis et son jeune (à l'attache durant la période des cultures). Si oui, ce serait donc un bélier comme il
l'indique, dans la main droite de l'homme qui pose et c'est alors bien dommage que nous n'en voyons pas la tête....
Ensuite Georges Toudouze a des propos de visionnaire. Déjà il y a cent ans, il fait partie de ceux qui voient la civilisation avancer à grands pas jusque sur Ouessant et s'en inquiète, prévoyant
même une disparition prochaine du petit mouton d'Ouessant.
Enfin dans ses propos, on note, qu'à cette époque comme de nos jours, le mouton d'Ouessant de type ancien surprend, intrigue et pose les interrogations d'aujourd'hui encore.
Pour préciser le second commentaire, j'en profite pour communiquer ces chiffres que Françoise Peron publie dans son magnifique ouvrage "Ouessant, l'île sentinelle":
Au 18ème siècle, chaque famille élevait en moyenne 20 moutons.
A la fin du 19ème et au début du 20ème siècle,la moyenne descend déjà à 6 à 18 moutons par famille.
Actuellement (fin 20ème), les familles qui pratiquent encore cet élevage ne conservent plus à l'année que 2 à 8 brebis au grand maximum....Ma remarque pour ce dernier renseignement: il ne s'agit
plus du petit mouton ancien mais de la grande race moderne de 60 kg et plus qui a remplacé le type ancien.