Blou a à présent dix mois et demi. Il s'étoffe physiquement autour d'un mental toujours jeune et turbulent.
Néanmoins, il est devenu partiellement utile pour les quelques manipulations qu'impose un troupeau de moutons, bien qu'évidemment il lui reste encore beaucoup à apprendre et à acquérir de l'expérience, ce que, sur ce point, seul le temps forgera.
Le regroupement par sexes des Lutins début septembre a permis d'envisager cours quotidiens sur le noyau de Ouessant constitué par les mâles.
Ce groupe d'une quinzaine de béliers dont pas mal de jeunes est idéal. En effet, déjà, en général, les béliers sont plus dociles et plus proches de l'humain que les brebis beaucoup plus vives. Les anciens sont habitués à être menés par des chiens; les jeunes dynamisent un peu plus le groupe et en même temps leur énergie et leur inquiétude se trouvent canalisées par la sagesse des adultes. Un bon mélange qui permet aussi de diversifier les réactions du groupe.
Blou est d'une stature un peu grande à mon goût pour mes Ouessant, mais c'est ainsi.
Blou n'a travaillé qu'une semaine au cercle, c'est à dire les moutons contenus dans un espace clos par un filet.
Le temps pour lui d'assimiler la gauche et la droite tout en travaillant la position "midi", c'est à dire position du chien à l'opposé de celle du berger, les moutons entre eux deux.
Ensuite, la situation devenant vite ennuyeuse, pour le berger comme pour le chien qui ne se privait pas de le manifester par de grands baillements de démotivations, il fallait passer aux choses plus sérieuses en travaillant sans filet (c'est le cas de le dire).
Le travail sur troupeau ne s'engageant que lorsque le chien est équipé d'un frein, l'obéissance à la consigne du "stop", et de la possibilité de point mort par le "pas bouger" ou/et "couché", travailler sans contention du groupe est envisageable.
Ici Blou, couché, attend mes paroles (une recherche par la gauche dans mon intention).
Entendant son nom, comme avant chaque consigne, Blou s'est redressé mais attend que je prononce la consigne avant de s'élancer. Je lui ai appris le respect de cette petite pause, pour être bien à l'écoute et sous mon influence.
"Va à gauche" a été prononcé dans la seconde et Blou est donc parti contourner les moutons par la gauche, dans le sens des aiguilles d'une montre.
En cas de besoin de réactivité dans une situation d'urgence, le "gauche, gauche, gauche" me permet d'enclencher la vitesse supérieure et faire ressentir l'urgence d'action au chien.
Même travail pour une recherche par la droite.
Et c'est parti, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre.
Forcément, le "droite, droite, droite" existe aussi dans l'entente de notre équipe.
Le "va loin" ou encore "écarte", "recule" … font partie également des réglages d'action, si nécessaire.
L'approche. Blou est en fait en action de chasse quand il travaille sur le troupeau, action canalisée par l'apprentissage avec son maître et le rapport de dominant imposé par ce dernier, au risque sinon que le chien ne travaille que pour lui-même, n'en faisant qu'à sa tête.
Blou a un tempérament à chercher trop le contact, comme son père quand je l'ai vu travailler, alors que la mère avait au contraire une recherche de très large rayon d'action. Je lui ai fait perdre le réflexe de morsure, sans pression mais tout de même dérangeant, de jeune chien fougueux, par le "non" sec de l'interdit, suivi d'un "calme" posé lors de la prononciation.
Si cette attitude de bousculeur peut être utile face aux paresseux et aux "j'm'enfoutistes" (oui il en existe aussi chez les moutons), c'est un point qu'il faut modérer et n'autoriser que sur demande du berger en cas d'obligation (charge d'un animal par exemple), au risque de mauvaises habitudes...
… et au risque de créer débandade, l'idéal étant de travailler dans le calme avec assurance, sans énervement.
Dans le même temps, Blou a une très bonne recherche face au(x) mouton(s) dissipé(s) (ça existe également) ou isolé(s) et au "va chercher" ne se fait pas prier, tant la jeunesse aime l'action, faisant rentrer rapidement le(s) effronté(s) dans les rangs.
Beaucoup de travail attend Blou pour lui faire prendre plus de recul tout en impulsant le mouvement. Cela prendra du temps puisque cela va à l'opposé de sa nature personnelle.
La bonne chose est qu'il sait intimider les moutons, n'étant pas timide lui-même (bien qu'assez peureux dans la vie ordinaire).
Ici contention du groupe des béliers le long d'une haie.
Si les erreurs sont sanctionnées par un "Non", les réussites sont récompensées d'un "oui, c'est bien" pendant les exercices.
Les meilleures choses ont une fin. Une vingtaine de minutes de travail d'apprentissage quotidien suffit, en terminant par des caresses verbales et physiques sur des réussites dans une nouvelle étape ou un exercice que le chien maîtrise bien (l'école de la réussite motive). De plus pas question pour moi de faire des pauvres béliers des boucs émissaires ( après ces misères, ils sont récompensés ensuite par leur ration de céréales).
Le message de cessation d'activité par un "Blou c'est fini", tout en mettant mes bras en croix lorsqu'il me regarde, débranche mon équipier de son obsession du moment. Message utilisé à d'autres occasions d'ailleurs dans notre vie commune.
Après les caresses finales et le "c'est bien, t'as bien travaillé", j'offre toujours à Blou le petit verre de l'amitié...
(Bon, il faut bien avouer que j'ai dérogé à certaines règles habituelles pendant cette séance de travail, mais c'était pour la bonne cause, pouvoir faire les cadrages nécessaires pour les photos que je prenais dans le même temps.)