Oh les filles! Oh les filles!
Quel plaisir de vous retrouver toutes à nouveau réunies!
Fini (depuis le 1er janvier) l'éclatement d'automne du groupe, pour les accouplements.
L'appel de la colline... et la bande des brebis reprend ses habitudes, décidée à la rejoindre.
Ce n'est pas le berger qui décide, mais bien le troupeau qui, comme une seule brebis, s'est mis en mouvement depuis le coin bergerie qui disparaît au loin.
Le berger s'est effacé, se transformant en mouton sur deux pattes, se fondant dans la troupe.
Et c'est bien ainsi que les filles le perçoivent en ces instants.
La magie du troupeau (sans les mâles jusqu'en avril) opère à nouveau.
Vivre au rythme de la troupe, observer l'une des brebis, comprendre l'autre, se fondre dans le mouvement, se laisser téléguider, se nourrir de l'instant...sentiment de plénitude.
Un froid sec et pénétrant, mais quelle lumière!
Le givre de la nuit sur les pairies a disparu tard en fin de matinée. Les corps engourdis ont préféré se réchauffer longuement, immobiles aux premiers rayons du soleil, avant de monter là-haut, conscients d'autre part qu'il était inutile de s'empresser.
Etre mouton, quand on y regarde bien, tout un "métier".
Maintenant l'insolation est forte. L'activité a repris. L'herbe est consommable.
Pourquoi la colline?
Si on raisonne mouton... la douceur s'y installe en premier.
Sur les pentes à l'adret, le dégel s'y amorce plus vite. Comme tout ovin, le Ouessant préfère l'herbe des zones ensoleillées à celle des zones d'ombre. Cette herbe est plus goûteuse pour eux, plus nourrissante, plus riche en vitamines...et comme elle y est largement pâturée, le regain, bien que plus rare en cette saison et durant cet épisode météorologique hivernal, y repousse, plus tendre, tout neuf, apprécié.
Sans toison, les pieds gelés sous le caoutchouc, mon extase devant tant de beauté finit au bout de quelques heures par laisser place au sentiment d'inconfort sous le froid mordant.
A pas de loup, pour ne pas créer de réaction de mouvement, je m'éclipse. Les filles n'ont pas besoin de moi pour vivre leur activité du moment.
Comme leur culture et leurs rites ancestraux orchestrent leurs journées depuis "toujours" chez les Lutins, elles sauront rejoindre, le moment venu, cet espace près des bâtiments où nos vies réciproques se mêlent presque. Elles dans leur bergerie me regardant, alors que moi-même dans la mienne je les observerai me demandant au final qui regarde qui.
Regards croisés entre deux espèces domestiques toujours troublants en leur point de rencontre!