Enfin! Depuis deux jours, Ibex s'autorise à me donner des coups dans le creux du genou lorsque je lui tourne le dos. C'est le signe qu'il me considère comme un des siens et j'apprécie
particulièrement cet honneur. Je pourrais même dire que cela me touche (dans les deux sens du mot) beaucoup.
En effet, comme je l'ai déjà expliqué en d'autres occasions, les béliers aiment vivre ensemble et s'apprécient énormément (sauf pour une histoire de brebis...). Ma présence régulière avec mes
animaux font que je fais partie du décor et suis assimilé à un membre du troupeau, jusqu'à un certain point pour les brebis, mais de façon plus conséquente pour les béliers.
Cette sympathie avec ces derniers fait qu'ils viennent frotter leur front et leur larmier à la jambe afin d'y déposer leur odeur et dire, en quelque sorte, "tu fais partie de mon territoire et tu
m'appartiens". C'est d'ailleurs ce que fait un chat lorsqu'il se frotte à nos jambes.
Là où le problème commence, c'est que le front est armé de cornes bien dures que nos tibias n'apprécient guère, surtout si le bélier prend un peu d'élan.
Pour Ibex, le temps est donc venu de l'éduquer et lui "expliquer" les choses pour des relations réussies avec les humains. A chaque coup, je lui tends la main pour lui montrer que s'il veut venir à
moi, il le peut. Alors, je le caresse sous le menton pour lui faire percevoir que mon contact est une situation et une relation agréable et qu'il peut me faire confiance. S'il tente un coup,
je lui mets une PETITE baffe sur le côté du museau. Nouvelle approche, nouvelle caresse....et ainsi de suite...ou baffe. Le tout dans le calme, pour installer cette confiance malgré
tout.
Ne pas poursuivre l'animal qui se sent menacé alors, mais au contraire le laisser venir à soi de lui même quand il est d'humeur. Et puis toujours réagir comme expliqué auparavant pour qu'un
coup ne reste pas un coup sans suite d'éducation, car alors le bélier peut comprendre que c'est un comportement qu'il peut s'autoriser quand vous passez . Je n'ignore pas non plus l'animal qui
vient à moi et lui montre au contraire qu'il existe et que je le considère par une petite caresse sous le maxillaire, même rapide si je suis pressé.
Par contre, ne jamais jouer avec lui ou le caresser sur le front. Ce geste est assimilé aux coups que les béliers se donnent entre eux, même par sympathie. Car alors, à ce jeu, l'humain
sera toujours perdant puisqu'il est moins bien armé et surtout de mauvaises habitudes risquent de se créer avec des problèmes de coups violents et réguliers . Et dans ce dernier cas, on accuse
toujours l'animal bien sûr et on finit toujours par s'en séparer d'une façon ou d'une autre alors que le responsable est l'éleveur.
A noter qu'un bélier qui n'a pas d'autres mâles avec lui pour se défouler de temps à autre a plus de chance de chercher à le faire avec son éleveur ou encore avec l'agneau nouveau né de l'unique
brebis. Content d'avoir enfin un copain ou un jouet cela peut tourner mal.
Et puis cetains béliers ont plus de caractère et nécessitent un peu plus de poigne et patience. Mais il faut toujours définir que le chef c'est "moi" (soi) même si cela demande un peu plus de
temps.
Au passage, le décompte des segments de pousse du cornage est facile sur
Ibex, avec celui de première saison jusqu'à la partie claire, puis de seconde jusqu'à la fin de partie sombre au niveau du crâne, et enfin un anneau clair rosé de la nouvelle pousse. Un bélier de
deux ans donc.
Ce dimanche soir, avant d'écrire ces quelques lignes, je me suis assis au soleil couchant au milieu du troupeau. Les brebis indifférentes ont continué leur vie. Une ou deux curieuses, toujours les
mêmes, sont venues grignoter les plis de mon pantalon. Les jeunes mâles ont poursuivi leur rumination
Par contre, un, puis deux, puis trois.... six béliers adultes sont venus au contact dans la douceur pour savourer quelques caresses et s'ennivrer de nos instants d'émotions
réciproques, pour finir par se coucher à mes pieds après s'être bousculés de l'épaule afin d' avoir chacun sa dose de caresses. Les minutes semblent alors interminables et trop
courtes à la fois, mais une chose est sûre, magiques.
Ibex qui a déjà pas mal compris que, finalement, les béliers c'est comme les enfants ou les gens: on les apprécie véritablement quand ils sont bien élevés, est venu chercher quelques secondes
d'osmose en passant par là.
La pénombre et le froid tombant, je me suis relevé et ai enjambé tous ces copains qui n'ont pas bougé d'un centimètre, un signe de confiance de plus. Heureux de ces instants, j'ai laissé les Lutins
couchés à la place qu'ils avaient choisie pour la nuit, et ai regagné la maison en espèrant pouvoir en vivre d'autres tout aussi magiques pendant longtemps
encore...