Ancienne petite pâture il y a encore un siècle et même assurément lopin de terre cultivé en des temps plus anciens, cette parcelle dont l'exploitation fut abandonnée (vers les années 30) a vu les arbres la reconquérir tout naturellement.
J'imagine alors les semis spontanés de chêne, charme, châtaignier, ... se frayer un passage au milieu des ronces pionnières les années suivant cet abandon.
Ils étaient cent et mille dans cette quête de vie à vouloir croître toujours plus haut pour gagner leur part de lumière.
Certains se sont épuisés dans cette course et leur cadavre soutenu par le voisin fait illusion, comme s'il pouvait encore prospérer.
D'autres plus vigoureux ont le privilège de tendre à étaler leur cime au détriment des plus proches.
Vivant ou mort, aucun n'est inutile et nulle tronçonneuse ne passera par là. Coléoptères, pics, champignons, profitent des bois morts.
La vie s'organise en ce lieu. Sans l'Homme. La nature reprend ses droits, suit ses propres plans. Une sorte d'ordre, au sens d'organisation, s'opère dans un désordre apparent.
Ainsi vont les choses sur ces quelques ares de boisement et de mon vivant rien ne saura entraver ces règles. Là où le bûcheron raisonnerait en billes de bois, stères .... et profit, s'épanouit tout un univers régi par ses propres lois.
Dans cette architecture, un monde à plumes comme à poils y trouve son compte. Les pies y ont construit en rive sur la première image. Et ici à la rive opposée l'écureuil y avait fait de même.
Toujours plus haut. Telle était la devise de la dame noire et blanche, tout comme celle du nain rouge, en ce printemps 2012. Pour vivre heureux, vivons cachés! L'hiver dévoile ce qui était passé inaperçu en période estivale.
Le vieux châtaignier qui a dominé autrefois cette ancienne pâture en un angle n'a sans doute pas supporté cette évolution du lieu vers le reboisement.
Les vieux chênes de rive ont quant à eux continué à bien prospérer. Ils font d'ailleurs probablement partie des géniteurs de l'armée de fûts qui se serrent dans le taillis.
Lire le paysage, un moyen de voyager dans le temps. Ainsi l'esprit vagabonde, revoit ou du moins imagine tous ces troupeaux, tous ces gens qui ont modelé les lieux au cours des siècles et des millénaires.
Qui aurait pu imaginer jadis qu'un jour des moutons d'Ouessant participeraient à l'histoire du lieu? Qui plus tard, bien plus tard pourra supposer même la magie de cette fraction de seconde figée sur l'image?
Le temps fait son oeuvre. La nature sait reprendre ses droits, belle revanche. Le taillis va encore et encore évolué pourvu qu'on laisse les choses se faire. Laisser faire, un "truc" inconcevable pour bien des humains.
Quand verra-t-on un arbre autrement que comme bois de chauffage? Quand lui donnera-t-on une autre valeur que celle en euros?