Cette fois c'est la bonne ...
Voici la toute dernière publication sur le blog des Lutins. En voici le pourquoi...
On pourrait dire que depuis 2008 cela a assez duré. Pourtant ce n'est pas par lassitude à traiter le sujet du Ouessant par l'intermédiaire de la troupe des Lutins.
Non, la décision tient au fait qu'après avoir beaucoup donné en temps et énergie, il y a par contre lassitude quant au peu d'échange reçu en retour de mes partages spontanés.
Pourtant avec 122 abonnés actuels à ce blog et 100 à 400 visiteurs différents au quotidien selon les périodes, on pourrait s'attendre à un intérêt réel largement manifesté et propos de réflexion sur le Ouessant abondants en retour.
Certes dès le début de mon élevage en 1996, j'ai pu constater les limites de l'intérêt des éleveurs pour l'ovin qu'ils détenaient, découvrir les profils intellectuels et psychologiques de ce milieu trop souvent décevant.
Certes, j'ai bien conscience que le nombre d'éleveurs véritablement et sainement passionnés par le Ouessant se compte sur les doigts d'une main, deux diront les plus optimistes, et que celui en mesure de dialoguer est plus réduit encore, mais il y a tous les autres, les curieux aussi dont on pourrait attendre interrogations judicieuses.
Certes, bien que ce n'était pas une surprise, durant ces vingt cinq dernières années, mes aprioris sur le monde de l'élevage au sens large n'ont pu qu'être confortés, retrouvant dans l'univers du Ouessant, le principe de l'animal objet, du Ouessant corvéable, du Ouessant outil, du Ouessant source de revenus, du Ouessant source de laine (voire viande), du Ouessant joujou, du Ouessant faire-valoir, etc ... Bref, dans cette grande misère de l'exploitation (bien que moindre qu'en d'autres domaines d'intéressement touchant d'autres animaux domestiques mais également la faune dite sauvage), rien qui ne corresponde à l'éleveur que je suis, uniquement intéressé par le vivant, pour son histoire et pour son évolution, intéressé dans une vision naturaliste par l'animal, pour ce qu'il est (et comment il fonctionne) et non pour ce que l'on s'autorise à en faire.
Dans le même temps, après 25 ans à contribuer au milieu associatif, j'ai décidé d'arrêter, n'y ayant jamais trouvé mon compte en éleveur curieux, attentif et passionné que je suis, menant par ailleurs personnellement dès le début de mon élevage un travail bien plus pointu, plus suivi, plus rigoureux et plus sérieux que dans ce milieu... et aujourd'hui encore.
Si donc j'ai décidé de garder pour moi dorénavant mon expérience, mes connaissances et mon regard sur le Ouessant de type ancien (tant pis pour les articles qui sommeillaient encore dans mes brouillons), de même désormais ne sortiront plus qu'à titre exceptionnel Ouessant de mon troupeau, seulement si réelle contrainte numérique se posait malgré désormais une simple reproduction de renouvellement.
Plusieurs raisons à cela:
Comme il n'y a pas de travail sérieux par ailleurs, mon travail, sous forme d'animaux cédés, se retrouvait noyé et perdu au milieu de la masse du "grand n'importe quoi" de dits Ouessant , parfois même pourtant labellisés ou primés (sic).
J'ai pu me rendre compte également que bien des éleveurs savaient me trouver pour profiter .... en revanche sans retour.
Il y a ceux à qui vous prêtez bélier mais qui jamais par contre ne vous feront proposition. Il y a ceux à qui vous donnez animaux mais qui jamais ne vous donneront. Il y a ceux à qui vous vendez mais qui refuseront de vous vendre ensuite. Il y a ceux à qui vous vendez mais qui jamais ne vous donneront nouvelles des animaux ni de leurs résultats en descendance (même en cas de primeure dans une direction de travail précise). Il y a ceux à qui vous demandez généalogies d'animaux acquis et qui jamais ne vous les enverront ...et il y a même ceux qui en feront de fausses. Il y a ceux qui ne se donnent pas la peine de répondre à vos mails, vos questions ... ceux qui ne vous adressent jamais un merci quand vous répondez à leurs sollicitations ...
Bref non seulement bien des déceptions autour d'un centre d'intérêt pourtant commun, mais aussi le constat de l'incapacité des éleveurs à travailler ensemble, de partager, de communiquer, de construire. Problèmes de profils psychologiques des individus mais aussi tout simplement d'éducation, de bonne éducation dirons-nous, de manque de sympathie naturelle, d'attention et de politesse, de savoir-vivre basique pour faire simple.
Cette décision car j'ai pu également me rendre compte trop souvent que mes animaux cédés n'avaient que rarement la chance d'un bel avenir, finissant malgré moi chez de bien mauvaises personnes pas même conscientes des mauvais traitements infligés. "On" veut des Ouessant sans posséder le nécessaire pour les accueillir ni mesurer l'attention que cela demande alors que même une machine se ménage et s'entretient, donc plus encore du vivant. Mauvaises conditions d'élevage, manque d'espace disponible, manque d'herbe et globalement de nourriture, absence de minéraux voire d'eau, manque d'attention tout simplement et de soins avec des Ouessant non vermifugés régulièrement ni en cas de besoin manifeste, non soignés quand nécessaire, aux onglons non taillés régulièrement... et même jamais tondus (vous avez bien lu) y compris durant ces trois derniers étés à 40 degrés... Bref, je ne fais pas naître pour que mes animaux aillent souffrir et meurent au beau milieu de leur vie ou avant, ou en traînent une de misère ...
Donc désormais, mon travail uniquement ciblé pour mon troupeau , pour moi mon propre plaisir, pour assurer une belle vie à toute naissance.
Me reste à espérer faire un heureux à la hauteur un jour, en la personne qui héritera de mon troupeau le moment venu ... et qu'elle saura poursuivre ce travail avec la même passion, la même attention et le même objectif: "Sauvegarder le Mouton d'Ouessant de type ancien (et en "sang" des dernières souches pionnières des années 70) pour ce qu'il est ... et non pour ce que l'on peut en faire".
En derniers mots pour les visiteurs, merci à celles et ceux qui, au moins un jour durant ces douze/treize ans, ont su laisser sur ce blog des Lutins un commentaire sympathique ou constructif, un questionnement ouvrant à réflexion ... ou une critique négative, car c'est aussi ainsi qu'il y a échange et dialogue.
Se quitter est forcément triste mais le Ouessant est reparti désormais pour exister avec ou sans ce blog. J'y aurai largement contribué à une époque où cet ovin balbutiait encore sur le net. C'est déjà ça!
Je finirai, en lien ci-dessous, par cet instant fort de magie et poésie visuelles et musicales relatant le drame de ce siècle pour le vivant de notre hexagone, la disparition de la dernière ourse de notre pays et avec elle tout le cheminement de millénaires d'un patrimoine génétique ... à cause de l'humanité, de ses moutons...
Puissent les éleveurs de moutons d'Ouessant faire preuve d'intelligence et d'honnêteté intellectuelle face aux éventuels phénomènes de prédation naturelle et comprendre que c'est à eux, éleveurs, de rendre leurs animaux inaccessibles aux carnivores. Un simple bon sens qui n'est pas forcément de règle dans ce milieu malheureusement... D'où ce dernier souhait: "que le monde du Ouessant n'existe pas au détriment du sauvage, du vivant indigène!"
Merci Kalune pour ce bel hommage à Cannelle, la dernière ourse des derniers ours réfugiés dans nos Pyrénées