C'est fait.
Après des mois de travail sur le papier et une réflexion finale prise il y a une semaine seulement, les programmes de reproduction sont non seulement établis, mais les lots de reproducteurs sont constitués et, s'ils le souhaitent, les animaux opérationnels pour cette nouvelle saison d'accouplement.
C'est à cette date du 15/10 devenue habituelle chez les Lutins que, chaque année, l'avenir du troupeau se construit de par la perspective d'une descendance future calculée et espérée.
Cette saison 2017, trois lots ont été constitués, le principe de base étant que chaque brebis autorisée à se reproduire (seulement la moitié des femelles) puisse s'accoupler avec un bélier précis choisi pour elle... ou qu'inversement les béliers élus reproducteurs de l'année puissent féconder telle ou telle brebis, selon les morphotypes, les généalogies, les génotypes des colorations et tous les éléments autres à prendre en considération.
Le vivant décidera ensuite de toute façon au final, même si aura été écarté par le berger un maximum de critères pénalisants, le but étant de raisonner, pour tous les objectifs de sélection orchestrés, en termes de pour et de contre afin de trouver le meilleur compromis.
Comme chaque automne, Sieur Hobbit se retrouve de la fête.
Le chanceux doit s'occuper d'un petit groupe de brebis blanches (hétérozygotes pour cette coloration) et de mes deux dernières brebis brunes.
Le principe convient bien au gaillard, même si dans un premier temps les filles ont plus en tête le souci de leur séparation d'avec le reste du troupeau, mais aussi leur jeune pour certaines.
Un groupe plus conséquent est constitué de brebis appelées à travailler à la relance de la coloration brune dont le gène récessif est un peu en perdition dans la composition de mon troupeau. Les belles sont encore scotchées à l'issue qui, si elle était ouverte, leur permettrait de rejoindre l'ensemble de leurs espaces de vie habituelle, mais aussi leurs jeunes qui se lamentent.
(Honte à moi! bourreau de moutons!)
Pour cela, un jeune mâle extérieur au troupeau des Lutins, de passage pour l'automne, apporte sa contribution. Je ne doute pas qu'il prendra sa mission au sérieux.
Ce bélier d'allure modeste comme je sais l'apprécier, tout en apportant sa touche personnelle, ne bouleversera pas le flux génétique de mon troupeau pour autant (contrairement à ce qui se passe d'habitude suite à l'utilisation d'un bélier extérieur à l'élevage) puisqu'il est de composante Lutins pour l'ensemble de sa généalogie, tous ses ancêtres foulant ou ayant foulé la terre des Lutins, et de plus en une matière brune "bretonnisante" française, ce dont je suis le seul éleveur au monde à me soucier comme pour toutes les autres colorations d'ailleurs.
Merci à son éleveur de me retourner le fruit de mon travail passé et de me faire ainsi profiter également du sien plus actuel.
Un troisième et dernier groupe de filles accueille un bélier Lutins adulte (Agouti blanc hétérozygote) qui se reproduira pour la première fois.
Je suis curieux de voir ce que sera la descendance de Sieur Myrmidon, sachant tout de même que mon jugement devra être modéré et nuancé, puisque dans l'affaire, la mère d'un agneau est forcément tout aussi importante que le père.
Comme toujours, on notera qu'il n'y aura pas recherche de naissances homozygotes "Agouti blanc" chez les Lutins, donc pas de bélier blanc sur une brebis blanche.
Ce genre de Ouessantin (fruit de l'héritage du blanc par la mère mais aussi par le père) est une impasse qui ne donnera toute sa vie que des jeunes blancs en coloration visible, le blanc se trouvant être une coloration dominante. Aussi je ne souhaite pas de tels animaux pour ne pas finir noyé sous les toisons blanches qui ont déjà une chance sur deux de s'exprimer chez moi quand un seul parent est blanc (car toujours blanc hétérozygote chez les Lutins).
De plus pour un bon brassage des gènes divers chez le Ouessant, afin de garantir la réelle conservation de ce type ovin, il importe de ne pas pratiquer de ségrégation stricte par couleur en accouplements. Si ponctuellement les naissances "Agouti blanc" homozygotes à ce locus pour cet allèle sont par ailleurs tout à fait naturelles, légitimes et donc acceptables dans le principe, en particulier suite à pratique de lutte libre (et non calculée comme chez moi), celui (de principe) consistant à pratiquer une sorte d'apartheid (blanc avec blanc, noir avec noir... pour ne parler que des colorations dominantes les plus courantes) est une véritable ineptie, malheureusement parfois encore colportée par des bouches desquelles on ne s'attendrait pas que de tels propos puissent sortir.
Reproduire dans le sens d'une sauvegarde réfléchie et rigoureuse demeure l'unique motivation pour le berger des Lutins.