Comme j'ai déjà pu l'écrire maintes fois, au plaisir du Ouessant s'associe celui de la prairie, espace artificiel créé par les activités humaines pour l'élevage.
L'élevage, la prairie, ne créent pas de biodiversité comme on le lit ou l'entend parfois. La biodiversité, personne n'est en mesure de la créer; elle est le résultat de millions (milliards) d'années d'évolution du vivant.
Le milieu prairial artificiel ne fait qu'accueillir, selon la façon dont il est mené, des espèces en nombre variable qui y trouvent là leur compte, s'en trouvent favorisées…. mais au détriment d'ailleurs d'autres qui étaient liées, elles, au milieu naturel précédent sur lequel la prairie (artificielle le plus souvent, il faut le garder à l'esprit) a été installée, suite au déboisement au cours des siècles.
Le plaisir de la prairie c'est une certaine diversité de plantes qu'on y trouve, sous condition que la pression des ruminants sur ce milieu soit assez faible et que la végétation herbacée ne résulte pas uniquement de l'ensemencement en variétés végétales de culture dans un objectif de rente. C'est également l'ensemble des insectes et autres invertébrés qui y vivent, les batraciens et reptiles à qui la prairie peut profiter, les oiseaux qui la fréquentent, les petits et plus grands mammifères qui l'exploitent.
Bref, c'est tout un monde qui mène une vie parallèle à celle des moutons, des Ouessant. Un monde que parfois on ne soupçonne même pas si on ne se donne pas la peine de s'y pencher.
La prairie, et encore moins l'humain qui l'a implantée, ne crée donc de biodiversité, mais plus justement favorise certaines espèces.
C'est le cas des campagnols de diverses espèces qui y trouvent là gîte et nourriture.
Loin de moi l'idée de vouloir la peau des petits rongeurs et taupes qui malmènent parfois le couvert végétal. Ils font partie de la prairie et si parfois de façon cyclique leur population peut sembler plus importante que d'ordinaire, il faut convenir laisser œuvrer en premier lieu leurs prédateurs naturels et ne pas les persécuter, une évidence qui malheureusement n'en est pas forcément une pour tout le monde.
Renard roux. (Photo de Fabrice Frobenius, merci à lui)
Parmi les spécialistes du campagnol, mulot, taupe … se trouve le renard. Il est toujours fascinant de l'observer chasser ces petites proies, à la vue mais aussi à l'ouïe, dans son bond caractéristique. En nombre et en biomasse, ces petites bestioles représentent l'essentiel de son régime alimentaire, bien qu'il sache être opportuniste pour profiter d'autres ressources carnées qu'il rencontre sur son chemin.
Malheureusement, l'animal demeure largement persécuté par certains humains et il risque de falloir encore beaucoup de temps pour que la raison gagne tous les esprits.
Chat forestier mâle surpris chez les Lutins avec une femelle. Contrarié le pèpère comme on le voit à la naissance de la troisième paupière. Les rares fois où j'avais l'occasion de surprendre involontairement ce sujet ici ou là, ce dernier se réfigiait dans le grand chêne ou le grand châtaignier le plus proche.
Plus discret et moins connu, le chat forestier (dit chat "sauvage") utilise largement les prairies comme terrain de chasse. Forestier, il ne l'est pas systématiquement. Les couverts plus modestes lui suffisent du moment qu'il pourra s'y réfugier et trouver à proximité clairières et prairies pour prendre ses repas. Alors qu'il n'avait plus trouvé refuge que dans les forêts de l'est de l'hexagone essentiellement, suite aux persécutions passées qu'il subissait, depuis sa protection, il a reconquis une bonne partie de la France en progressant vers l'ouest et le sud.
Malheureusement, malgré une protection au niveau de la loi, le chat forestier demeure toujours, à l'occasion, la victime du haineux...
Pas seulement un souci pour la petite faune, la masse de chats domestiques errants et qui divaguent est un danger pour son cousin "sauvage" non domestique qu'est le chat forestier. Il existe des cas d'hybridation entre ces cousins; ce qui pollue génétiquement la population de Felis sylvestris. Seule solution, une fois encore, être responsable de ses chats domestiques en ne les laissant pas se reproduire et pour cela en les stérilisant.
Travail nocturne du blaireau sur les galeries de campagnol.
Bien que moins spécialisé sur les petits rongeurs que les deux précédents carnivores, le blaireau en consomme. Comme ici en cette période sur mes prairies. Largement omnivore, fruits, glands, insectes étant rares en période plus hivernale, le blaireau trouve là une ressource intéressante.
Cet animal (dont je ne possède le portrait qu'en diapo, du temps lointain où je l'observais en séances d'affût) bien qu'inoffensif, subit la hargne là encore d'une certaine catégorie de personnes qui pour l'éliminer utilise des méthodes qui dépassent l'entendement, leur finalité justifiant leurs moyens.
Un sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire et raconter, là encore. Sur ce point comme sur bien d'autres, il y a un sacré boulot pour éduquer et instruire, d'autant que l'humain est un être de mimétisme plus que de raison.
Parmi les alliés de l'éleveur (et du cultivateur), il ne faudrait pas oublier les plus petits carnivores, plus ou moins spécialisés sur les petits rongeurs du pré, que sont la martre, la fouine, l'hermine et la belette … ou encore le putois, la genette ou le très rare vison d'Europe là où on les trouve encore….
Pot de déjection de blaireau. L'animal creuse pour ses besoins. Grosse part d'insectes consommés dans ce pot d'été.
Faucon crécerelle, en "saint esprit" (Photo de Fabrice)
Du côté des airs, deux autres alliés des éleveurs, chasseurs spécialisés sur les petits rongeurs (et taupes), exploitent les prairies.
Ce sont le faucon crécerelle et la buse variable. Le premier pique sur le campagnol après un vol stationnaire en "saint esprit" caractéristique. La seconde chasse depuis une branche basse ou un piquet, et non lorsqu'elle cercle dans les airs, en se laissant tomber sur le rongeur.
Buse variable (forme sombre, le plumage pouvant être à dominance de blanc ou encore tous les intermédiaires). Photo de Fabrice Frobenius
Héron cendré aux taupes et campagnols (photo Fabrice Frobenius).
Plus surprenant mais bien réel, le héron cendré ou encore la grande aigrette, ne dédaignent pas exploiter la prairie à l'affût du campagnol, en automne et hiver surtout.
Grande aigrette (Photo Fabrice encore)
Malheureusement, bien que protégés par loi, les rapaces (comme les hérons et cie d'ailleurs) ne sont pas à l'abri de la bêtise humaine et il s'en ramasse encore régulièrement criblés de plombs ou empoisonnés.
Querelle aérienne de buses en corps à corps. Dans leur chute, elles finirent sous les roues d'une voiture.
A cela s'ajoute pour nos carnivores à poils ou à plumes, les causes indirectes de destruction dues à l'homme, comme la circulation routière …. mais aussi la destruction et l'évolution des milieux.
Aussi sachons profiter de la présence et du spectacle de la faune sur la prairie autour des Ouessant, y compris carnivore et apprenons à lire et comprendre ce livre ouvert sur le vivant.
Pour ceux qui souhaitent s'émerveiller sur le vivant, en lien ci-dessous, en images, le travail de Fabrice et d'autres passionnés.
Merci encore à Fabrice Frobenius pour le prêt de certains clichés.