Durant tout l'hiver, j'avais observé, à l'occasion, la lente dégradation du nid du couple "pie grièche écorcheur" qui en juillet dernier avait mené à bien sa nichée dans un bouquet d'aubépine en lisière de pâture. J'imaginais, durant les mois gris, "mes" oiseaux en hivernage dans leur savane africaine, se gavant d'insectes avant d'entreprendre le grand voyage de retour.
Depuis début mai de cette année, j'avais pris l'habitude de faire deux ou trois fois par jour, le tour de cette même prairie que je réservais à la fauche. Ce rituel permettait à la meute qui m'accompagnait de se défouler un peu en jouant. J'avais fini par oublier l'ancien nid des écorcheurs dont il ne restait plus rien à l'arrivée du printemps.
Quelle ne fut pas ma surprise, début juin...!
Au cours d'une de ces balades petits rituels, en passant comme chaque jour depuis un mois en bordure du buisson d'aubépine reverdi, je n'en crus pas mes yeux en découvrant qu'une Dame Pie grièche écorcheur me fixait de son petit œil noir, impassible, couchée sur un nid tout neuf. Non seulement les oiseaux étaient revenus en période traditionnelle de mai sans que je les remarque, mais en plus avaient construit un nid exactement sur la même placette de rameaux que l'an dernier (!), à 1,20m du sol comme il est d'usage pour l'espèce. Tout cela au nez et à la barbe du bipède que je suis et qui passait quotidiennement à une cinquantaine de centimètres. J'étais assurément observé depuis longtemps sans le savoir.
Durant une paire de semaines, lors de mon passage régulier de quelques secondes, sans m'arrêter, il me suffisait de tourner la tête pour voir la femelle fidèle au poste, couvant. Une fois une seule, j'aperçus les six œufs en l'absence de Madame Brigande masquée et mi-juin la nichée se constituait de quatre poussins nus et orangés. Tout allait donc bien et la météo était de la partie.