Le goulet génétique c'est ce rétrécissement (image de l'entonnoir), cette perte de diversité génétique globale dans une population, qui arrive le plus souvent du fait d'un nombre d'individus devenu trop faible, ce qui aboutit à un taux de consanguinité de plus en plus élevé.
En élevage, cela s'observe également de par les pratiques des éleveurs dans l'organisation de leur cheptel et de sa reproduction.
Ainsi dans un troupeau, si un même unique bélier se reproduit chaque année sur les mêmes brebis, voire sur sa propre descendance, on crée des animaux qui ont tous pour moitié et plus le patrimoine génétique de leur père.
Cette technique offre ses avantages pour ceux qui souhaitent tenter de multiplier, concentrer et conserver certaines qualités du reproducteur. Malheureusement la consanguinité permet de conserver et concentrer également des "tares": divers points faibles physiques, physiologiques, fonctionnels, ... qui échappent à l'observation et à la connaissance au départ et qui un jour, mais trop tard, finissent par être décelables. Cela peut aller des malformations répétitives à une fragilité particulière, en passant par exemple par des longévités faibles, des pertes de dents précoces,.... La consanguinité concentre tout autant le meilleur (aux yeux de l'éleveur dans une quête particulière) que le pire, pour l'animal d'abord.
Le mouton d'Ouessant n'intégrant pas, normalement, la course au poids des gigots ni même à celui de sa toison, l'intérêt premier devrait être de chercher à conserver sa rusticité (nécessaire à l'ovin comme à l'éleveur), tout autant que ses caractéristiques morphologiques diverses.
L'appauvrissement génétique dans un troupeau peut également s'observer par la reproduction répétée des mêmes brebis, d'autant plus si leur nombre est réduit, et qu'elles sont amenées par la suite à s'accoupler avec leur descendance.
Il est peut être dû également à de trop nombreux accouplements entre proches au niveau parenté (demi-frère ou sœur, oncle, nièce, cousin....) et être d'autant plus important que le lien de parenté entre les reproducteurs sera proche. Cela arrive tout autant en élevage à généalogie suivie mais avec un nombre limité d'animaux que dans un élevage sans suivi des généalogies où deux ou trois béliers "font leurs affaires" à leur guise parmi les brebis d'une année sur l'autre. Seule différence mais d'importance, dans le premier cas on mesure la chose et on peut orienter en conséquence l'avenir de sa troupe, dans le second c'est le flou absolu, impossible de savoir sur quoi on construit son troupeau, avec les conséquences regrettables que cela peut engendrer.
Un exemple bien parlant.
Cette année j'ai acquis une femelle. Cette introduction peut être l'occasion pour moi d'entrer un peu de "sang neuf" comme on dit. Cette brebis possède une généalogie conséquente qui me permet d'avoir une représentation correcte de l'animal concernant son patrimoine génétique et en particulier donc de connaître ses divers ascendants sur un certain nombre de générations.
Premier constat, l'individu est le résultat d'une certaine consanguinité puisque sur ses quatre arrières grands pères je retrouve par trois fois le même bélier (!) et que sur ses huit arrières arrières grands pères par six fois se présente un même mâle (!).....
On comprend là toute l'importance d'une généalogie tenue sérieusement et honnêtement. Celle-ci permet de connaître la part de consanguinité possible transportée, tout comme les ascendants précis entrant dans la construction d'un animal donné. C'est d'autant plus vrai que dans cette généalogie je retrouve des Ouessant qui me sont connus et dont certains s'avèrent être ascendants de certains de mes Ouessant. Ainsi, la reproduction de cette brebis pourra être menée sereinement, en connaissance des accouplements futurs à orchestrer ou pas.
Tenir généalogie systématique de ses animaux permet de travailler sérieusement. On imagine le drame à l'inverse, sans cette généalogie tenue, pour mes futures naissances, la catastrophe pour mon troupeau et le type ovin à sauvegarder. On réalise également que le fait de prendre ailleurs, dans un autre troupeau, un animal aux origines non suivies, en pensant diversifier le patrimoine de son cheptel peut dans certains cas, au contraire, contribuer à faire tomber le Ouessant vers le goulet génétique que l'on voudrait justement éviter.